Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/104

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Ils redescendirent tous trois. En passant devant le comptoir, ils retinrent une table, ils arrêtèrent un menu, disant qu’ils seraient de retour dans une heure. Comme le cabaretier louait des canots, ils le prièrent de venir en détacher un. Laurent choisit une mince barque, dont la légèreté effraya Camille.

— Diable, dit-il, il ne va pas falloir remuer là-dedans. On ferait un fameux plongeon.

La vérité était que le commis avait une peur horrible de l’eau. À Vernon, son état maladif ne lui permettait pas, lorsqu’il était enfant, d’aller barboter dans la Seine ; tandis que ses camarades d’école couraient se jeter en pleine rivière, il se couchait entre deux couvertures chaudes. Laurent était devenu un nageur intrépide, un rameur infatigable ; Camille avait gardé cette épouvante que les enfants et les femmes ont pour les eaux profondes. Il tâta du pied le bout du canot, comme pour s’assurer de sa solidité.

— Allons, entre donc, lui cria Laurent en riant… Tu trembles toujours.

Camille enjamba le bord et alla, en chancelant, s’asseoir à l’arrière. Quand il sentit les planches sous lui, il prit ses aises, il plaisanta, pour faire acte de courage.

Thérèse était demeurée sur la rive, grave et immobile, à côté de son amant qui tenait l’amarre. Il se baissa, et, rapidement, à voix basse :

— Prends garde, murmura-t-il, je vais le jeter à l’eau… Obéis-moi… Je réponds de tout.