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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/112

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gard. Laurent fit le récit de l’accident, d’une voix brisée, comme tout essoufflé de douleur et de fatigue.

— Je suis venu vous chercher, dit-il en terminant, je ne savais que faire des deux pauvres femmes si cruellement frappées… Je n’ai point osé aller seul chez la mère. Je vous en prie, venez avec moi.

Pendant qu’il parlait, Olivier le regardait fixement, avec des regards droits qui l’épouvantaient. Le meurtrier s’était jeté, tête baissée, dans ces gens de police, par un coup d’audace qui devait le sauver. Mais il ne pouvait s’empêcher de frémir, en sentant leurs yeux qui l’examinaient ; il voyait de la méfiance où il n’y avait que de la stupeur et de la pitié. Suzanne, plus frêle et plus pâle, était près de s’évanouir. Olivier, que l’idée de la mort effrayait et dont le cœur restait d’ailleurs parfaitement froid, faisait une grimace de surprise douloureuse, en scrutant par habitude le visage de Laurent, sans soupçonner le moins du monde la sinistre vérité. Quant au vieux Michaud, il poussait des exclamations d’effroi, de commisération, d’étonnement ; il se remuait sur sa chaise, joignait les mains, levait les yeux au ciel.

— Ah ! mon Dieu, disait-il d’une voix entrecoupée, ah ! mon Dieu, l’épouvantable chose !… On sort de chez soi, et l’on meurt, comme ça, tout d’un coup… C’est horrible… Et cette pauvre madame Raquin, cette mère, qu’allons-nous lui dire ?… Certainement, vous avez bien fait de venir nous chercher… Nous allons avec vous…