Aller au contenu

Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dès qu’il se rendormait, son désir oubliait le cadavre ignoble qui l’attendait, et courait chercher de nouveau le corps chaud et souple d’une femme. Pendant une heure, Laurent vécut dans cette suite de cauchemars, dans ce mauvais rêve sans cesse répété et sans cesse imprévu, qui, à chaque sursaut, le brisait d’une épouvante plus aiguë.

Une des secousses, la dernière, fut si violente, si douloureuse, qu’il se décida à se lever, à ne pas lutter davantage. Le jour venait ; une lueur grise et morne entrait par la fenêtre du toit qui coupait dans le ciel un carré blanchâtre couleur de cendre.

Laurent s’habilla lentement, avec une irritation sourde. Il était exaspéré de n’avoir pas dormi, exaspéré de s’être laissé prendre par une peur qu’il traitait maintenant d’enfantillage. Tout en mettant son pantalon, il s’étirait, il se frottait les membres, il se passait les mains sur son visage battu et brouillé par une nuit de fièvre. Et il répétait :

— Je n’aurais pas dû penser à tout ça, j’aurais dormi, je serais frais et dispos, à cette heure… Ah ! si Thérèse avait bien voulu, hier soir, si Thérèse avait couché avec moi…

Cette idée, que Thérèse l’aurait empêché d’avoir peur, le tranquillisa un peu. Au fond, il redoutait de passer d’autres nuits semblables à celle qu’il venait d’endurer.

Il se jeta de l’eau à la face, puis se donna un coup de peigne. Ce bout de toilette rafraîchit sa tête et dissipa