Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/155

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ses dernières terreurs. Il raisonnait librement, il ne sentait plus qu’une grande fatigue dans tous ses membres.

— Je ne suis pourtant pas poltron, se disait-il en achevant de se vêtir, je ne me moque pas mal de Camille… C’est absurde de croire que ce pauvre diable est sous mon lit. Maintenant, je vais peut-être croire cela toutes les nuits… Décidément il faut que je me marie au plus tôt. Quand Thérèse me tiendra dans ses bras, je ne penserai guère à Camille. Elle m’embrassera sur le cou, et je ne sentirai plus l’atroce cuisson que j’ai éprouvée… Voyons donc cette morsure.

Il s’approcha de son miroir, tendit le cou et regarda. La cicatrice était d’un rose pâle. Laurent, en distinguant la marque des dents de sa victime, éprouva une certaine émotion, le sang lui monta à la tête, et il s’aperçut alors d’un étrange phénomène. La cicatrice fut empourprée par le flot qui montait, elle devint vive et sanglante, elle se détacha, toute rouge, sur le cou gras et blanc. En même temps, Laurent ressentit des picotements aigus, comme si l’on eût enfoncé des aiguilles dans la plaie. Il se hâta de relever le col de sa chemise.

— Bah ! reprit-il, Thérèse guérira cela,… Quelques baisers suffiront… Que je suis bête de songer à ces choses !

Il mit son chapeau et descendit. Il avait besoin de prendre l’air, besoin de marcher. En passant devant la porte de la cave, il sourit ; il s’assura cependant