Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/156

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de la solidité du crochet qui fermait cette porte. Dehors, il marcha à pas lents, dans l’air frais du matin, sur les trottoirs déserts. Il était environ cinq heures.

Laurent passa une journée atroce. Il dut lutter contre le sommeil accablant qui le saisit dans l’après-midi à son bureau. Sa tête, lourde et endolorie, se penchait malgré lui, et il la relevait brusquement, dès qu’il entendait le pas d’un de ses chefs. Cette lutte, ces secousses achevèrent de briser ses membres, en lui causant des anxiétés intolérables.

Le soir, malgré sa lassitude, il voulut aller voir Thérèse. Il la trouva fiévreuse, accablée, lasse comme lui.

— Notre pauvre Thérèse a passé une mauvaise nuit, lui dit madameme Raquin, lorsqu’il se fut assis. Il paraît qu’elle a eu des cauchemars, une insomnie terrible… À plusieurs reprises, je l’ai entendue crier. Ce matin, elle était toute malade.

Pendant que sa tante parlait, Thérèse regardait fixement Laurent. Sans doute, ils devinèrent leurs communes terreurs, car un même frisson nerveux courut sur leurs visages. Ils restèrent en face l’un de l’autre jusqu’à dix heures, parlant de banalités, se comprenant, se conjurant tous deux du regard de hâter le moment où ils pourraient s’unir contre le noyé.