Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/161

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que le noyé le serrait contre sa poitrine pourrie, dans un embrassement glacial ; ces sensations brusques et alternées de volupté et de dégoût, ces contacts successifs de chair brûlante d’amour et de chair froide, amollie par la vase, le faisaient haleter et frissonner, râler d’angoisse.

Et, chaque jour, l’épouvante des amants grandissait, chaque jour leurs cauchemars les écrasaient, les affolaient davantage. Ils ne comptaient plus que sur leurs baisers pour tuer l’insomnie. Par prudence, ils n’osaient se donner des rendez-vous, ils attendaient le jour du mariage comme un jour de salut qui serait suivi d’une nuit heureuse.

C’est ainsi qu’ils voulaient leur union de tout le désir qu’ils éprouvaient de dormir un sommeil calme. Pendant les heures d’indifférence, ils avaient hésité, oubliant chacun les raisons égoïstes et passionnées qui s’étaient comme évanouies, après les avoir tous deux poussés au meurtre. La fièvre les brûlant de nouveau, ils retrouvaient, au fond de leur passion et de leur égoïsme, ces raisons premières qui les avaient décidés à tuer Camille, pour goûter ensuite les joies que, selon eux, leur assurait un mariage légitime. D’ailleurs, c’était avec un vague désespoir qu’ils prenaient la résolution suprême de s’unir ouvertement. Tout au fond d’eux, il y avait de la crainte. Leurs désirs frissonnaient. Ils étaient penchés, en quelque sorte, l’un sur l’autre, comme sur un abîme dont l’horreur les attirait ; ils se courbaient mutuellement, au-dessus de leur