Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/180

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mies. Le jeune homme avait accepté carrément et s’était fait habiller de neuf. L’argent de la vieille mercière lui avait en outre permis de donner à Thérèse les cadeaux d’usage.

Le pantalon noir, l’habit, ainsi que le gilet blanc, la chemise et la cravate de fine toile, étaient étalés sur deux chaises. Laurent se savonna, se parfuma le corps avec un flacon d’eau de Cologne, puis il procéda minutieusement à sa toilette. Il voulait être beau. Comme il attachait son faux-col, un faux-col haut et roide, il éprouva une souffrance vive au cou ; le bouton du faux-col lui échappait des doigts, il s’impatientait, et il lui semblait que l’étoffe amidonnée lui coupait la chair. Il voulut voir, il leva le menton : alors, il aperçut la morsure de Camille toute rouge ; le faux-col avait légèrement écorché la cicatrice. Laurent serra les lèvres et devint pâle ; la vue de cette tache, qui lui marbrait le cou, l’effraya et l’irrita, à cette heure. Il froissa le faux-col, en choisit un autre qu’il mit avec mille précautions. Puis il acheva de s’habiller. Quand il descendit, ses vêtements neufs le tenaient tout roide ; il n’osait tourner la tête, le cou emprisonné dans des toiles gommées. À chaque mouvement qu’il faisait, un pli de ces toiles pinçait la plaie que les dents du noyé avaient creusée dans sa chair. Ce fut en souffrant de ces sortes de piqûres aiguës qu’il monta en voiture et alla chercher Thérèse pour la conduire à la mairie et à l’église.

Il prit en passant un employé du chemin de fer