Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/187

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bruits secs. On eût dit un désert heureux, un coin ignoré, chaud et sentant bon, fermé à tous les cris du dehors, un de ces coins faits et apprêtés pour les sensualités et les besoins de mystère de la passion.

Thérèse était assise sur une chaise basse, à droite de la cheminée. Le menton dans la main, elle regardait les flammes vives, fixement. Elle ne tourna pas la tête quand Laurent entra. Vêtue d’un jupon et d’une camisole bordés de dentelle, elle était d’une blancheur crue sous l’ardente clarté du foyer. Sa camisole glissait, et un bout d’épaule passait, rose, à demi caché par une mèche noire de cheveux.

Laurent fit quelques pas sans parler. Il ôta son habit et son gilet. Quand il fut en manches de chemise, il regarda de nouveau Thérèse qui n’avait pas bougé. Il semblait hésiter. Puis il aperçut le bout d’épaule, et il se baissa en frémissant pour coller ses lèvres à ce morceau de peau nue. La jeune femme retira son épaule en se retournant brusquement. Elle fixa sur Laurent un regard si étrange de répugnance et d’effroi, qu’il recula, troublé et mal à l’aise, comme pris lui-même de terreur et de dégoût.

Laurent s’assit en face de Thérèse, de l’autre côté de la cheminée. Ils restèrent ainsi, muets, immobiles, pendant cinq grandes minutes. Par instants, des jets de flammes rougeâtres s’échappaient du bois, et alors des reflets sanglants couraient sur le visage des meurtriers.

Il y avait près de deux ans que les amants ne s’é-