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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/203

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XXII


Les nuits suivantes furent encore plus cruelles. Les meurtriers avaient voulu être deux, la nuit, pour se défendre contre le noyé, et, par un étrange effet, depuis qu’ils se trouvaient ensemble, ils frissonnaient davantage. Ils s’exaspéraient, ils irritaient leurs nerfs, ils subissaient des crises atroces de souffrance et de terreur, en échangeant une simple parole, un simple regard. À la moindre conversation qui s’établissait entre eux, au moindre tête-à-tête qu’ils avaient, ils voyaient rouge, ils déliraient.

La nature sèche et nerveuse de Thérèse avait agi d’une façon bizarre sur la nature épaisse et sanguine de Laurent. Jadis, aux jours de passion, leur différence de tempérament avait fait de cet homme et de cette femme un couple puissamment lié, en établissant entre eux une sorte d’équilibre, en complétant pour ainsi dire leur organisme. L’amant donnait de son sang, l’amante de ses nerfs, et ils vivaient l’un dans