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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/211

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Parfois, cependant, ils cherchaient à échanger un baiser timide pour voir ce qui arriverait. Le jeune homme raillait sa femme en lui ordonnant de l’embrasser. Mais leurs lèvres étaient si froides, que la mort semblait s’être placée entre leurs bouches. Des nausées leur venaient, Thérèse avait un frisson d’horreur, et Laurent, qui entendait ses dents claquer, s’emportait contre elle.

— Pourquoi trembles-tu ? lui criait-il. Aurais-tu peur de Camille ?… Va, le pauvre homme ne sent plus ses os, à cette heure.

Ils évitaient tous deux de se confier la cause de leurs frissons. Quand une hallucination dressait devant l’un d’eux le masque blafard du noyé, il fermait les yeux, il se renfermait dans sa terreur, n’osant parler à l’autre de sa vision, par crainte de déterminer une crise encore plus terrible. Lorsque Laurent, poussé à bout, dans une rage de désespoir, accusait Thérèse d’avoir peur de Camille, ce nom, prononcé tout haut, amenait un redoublement d’angoisse. Le meurtrier délirait.

— Oui, oui, balbutiait-il en s’adressant à la jeune femme, tu as peur de Camille… Je le vois bien, parbleu !… Tu es une sotte, tu n’as pas pour deux sous de courage. Eh ! dors tranquillement. Crois-tu que ton premier mari va venir te tirer par les pieds, parce que je suis couché avec toi…

Cette pensée, cette supposition que le noyé pouvait venir leur tirer les pieds, faisait dresser les cheveux