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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/254

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Laurent se hâta de rouler la paralytique dans sa chambre. Puis il se baissa pour la prendre entre ses bras. À ce moment, madame Raquin espéra qu’un ressort puissant allait la mettre sur ses pieds ; elle tenta un effort suprême. Dieu ne pouvait permettre que Laurent la serrât contre sa poitrine ; elle comptait que la foudre allait l’écraser s’il avait cette impudence monstrueuse. Mais aucun ressort ne la poussa, et le ciel réserva son tonnerre. Elle resta affaissée, passive, comme un paquet de linge. Elle fut saisie, soulevée, transportée par l’assassin ; elle éprouva l’angoisse de se sentir, molle et abandonnée, entre les bras du meurtrier de Camille. Sa tête roula sur l’épaule de Laurent, qu’elle regarda avec des yeux agrandis par l’horreur.

— Va, va, regarde-moi bien, murmura-t-il, tes yeux ne me mangeront pas…

Et il la jeta brutalement sur le lit. L’impotente y tomba évanouie. Sa dernière pensée avait été une pensée de terreur et de dégoût. Désormais, il lui faudrait, matin et soir, subir l’étreinte immonde des bras de Laurent.