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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/261

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me suffit… Elle a voulu dire : « Thérèse et Laurent ont bien soin de moi. »

Grivet dut s’applaudir de son imagination, car toute la société fut de son avis. Les invités se mirent à faire l’éloge des époux, qui se montraient si bons pour la pauvre dame.

— Il est certain, dit gravement le vieux Michaud, que madame Raquin a voulu rendre hommage aux tendres attentions que lui prodiguent ses enfants. Cela honore toute la famille.

Et il ajouta en reprenant ses dominos :

— Allons, continuons. Où en étions-nous ?… Grivet allait poser le double-six, je crois.

Grivet posa le double-six. La partie continua, stupide et monotone.

La paralytique regardait sa main, abîmée dans un affreux désespoir. Sa main venait de la trahir. Elle la sentait lourde comme du plomb, maintenant ; jamais plus elle ne pourrait la soulever. Le ciel ne voulait pas que Camille fût vengé, il retirait à sa mère le seul moyen de faire connaître aux hommes le meurtre dont il avait été la victime. Et la malheureuse se disait qu’elle n’était plus bonne qu’à aller rejoindre son enfant dans la terre. Elle baissa les paupières, se sentant inutile désormais, voulant se croire déjà dans la nuit du tombeau.