Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

doigts s’étaient roidis, la volonté suprême qui les galvanisait, lui échappait ; elle sentait la paralysie remonter lentement le long de son bras, et de nouveau s’emparer de son poignet. Elle se hâta, elle traça encore un mot.

Le vieux Michaud lut à haute voix :

— « Thérèse et Laurent ont… »

Et Olivier demanda :

— Qu’est-ce qu’ils ont, vos chers enfants ?

Les meurtriers, pris d’une terreur folle, furent sur le point d’achever la phrase tout haut. Ils contemplaient la main vengeresse avec des yeux fixes et troubles, lorsque, tout d’un coup, cette main fut prise d’une convulsion et s’aplatit sur la table ; elle glissa et retomba le long du genou de l’impotente, comme une masse de chair inanimée. La paralysie était revenue et avait arrêté le châtiment. Michaud et Olivier se rassirent, désappointés, tandis que Thérèse et Laurent goûtaient une joie si âcre, qu’ils se sentaient défaillir sous le flux brusque du sang qui battait dans leur poitrine.

Grivet était vexé de ne pas avoir été cru sur parole. Il pensa que le moment était venu de reconquérir son infaillibilité en complétant la phrase inachevée de madame Raquin. Comme on cherchait le sens de cette phrase :

— C’est très-clair, dit-il, je devine la phrase entière dans les yeux de madame. Je n’ai pas besoin qu’elle écrive sur une table, moi ; un de ses regards