Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/269

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disait, l’idée d’avoir une complice le soulageait, il aurait tenté, s’il l’avait osé, de se prouver à lui-même que toute l’horreur du meurtre retombait sur Thérèse. Il lui venait des envies de battre la jeune femme pour lui faire confesser qu’elle était la plus coupable.

Il se mit à marcher de long en large, criant, délirant, suivi par les regards fixes de madame Raquin.

— Ah ! la misérable ! la misérable ! balbutiait-il d’une voix étranglée, elle veut me rendre fou… Eh ! n’es-tu pas montée un soir dans ma chambre comme une prostituée, ne m’as-tu pas soûlé de tes caresses pour me décider à te débarrasser de ton mari ? Il te déplaisait, il sentait l’enfant malade, me disais-tu lorsque je venais te voir ici… Il y a trois ans, est-ce que je pensais à tout cela, moi ? Est-ce que j’étais un coquin ? Je vivais tranquille, en honnête homme, ne faisant de mal à personne. Je n’aurais pas écrasé une mouche.

— C’est toi qui as tué Camille, répéta Thérèse avec une obstination désespérée qui faisait perdre la tête à Laurent.

— Non, c’est toi, je te dis que c’est toi, reprit-il avec un éclat terrible… Vois-tu, ne m’exaspère pas, cela pourrait mal finir… Comment, malheureuse, tu ne te rappelles rien ! Tu t’es livrée à moi comme une fille, là, dans la chambre de ton mari ; tu m’y as fait connaître des voluptés qui m’ont affolé. Avoue que tu avais calculé tout cela, que tu haïssais Camille, et que depuis longtemps tu voulais le tuer. Tu m’as sans doute