Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/268

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Et elle éclata en sanglots. Un rapprochement d’idées venait d’avoir lieu dans son esprit.

— Pourquoi pleures-tu ? demanda Laurent, qui prévoyait la réponse et qui pâlissait.

— Je pleure, sanglota la jeune femme, je pleure parce que… tu le sais bien… Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! c’est toi qui l’as tué.

— Tu mens ! cria l’assassin avec véhémence, avoue que tu mens… Si je l’ai jeté à la Seine, c’est que tu m’as poussé à ce meurtre.

— Moi ! moi !

— Oui, toi !… Ne fais pas l’ignorante, ne m’oblige pas à te faire avouer de force la vérité. J’ai besoin que tu confesses ton crime, que tu acceptes ta part dans l’assassinat. Cela me tranquillise et me soulage.

— Mais ce n’est pas moi qui ai noyé Camille.

— Si, mille fois si, c’est toi !… Oh ! tu feins l’étonnement et l’oubli. Attends, je vais rappeler tes souvenirs.

Il se leva de table, se pencha vers la jeune femme, et, le visage en feu, lui cria dans la face :

— Tu étais au bord de l’eau, tu te souviens, et je t’ai dit tout bas : « Je vais le jeter à la rivière. » Alors tu as accepté, tu es entrée dans la barque… Tu vois bien que tu l’as assassiné avec moi.

— Ce n’est pas vrai… J’étais folle, je ne sais plus ce que j’ai fait, mais je n’ai jamais voulu le tuer. Toi seul as commis le crime.

Ces dénégations torturaient Laurent. Comme il le