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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/274

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vantes, elle se jeta dans la pitié, dans les larmes et les regrets, espérant y trouver quelque soulagement. Elle essaya de tirer parti des faiblesses de chair et d’esprit qui la prenaient ; peut-être le noyé, qui n’avait pas cédé devant ses irritations, céderait-il devant ses pleurs. Elle eut ainsi des remords par calcul, se disant que c’était sans doute le meilleur moyen d’apaiser et de contenter Camille. Comme certaines dévotes, qui pensent tromper Dieu et en arracher un pardon en priant des lèvres et en prenant l’attitude humble de la pénitence, Thérèse s’humilia, frappa sa poitrine, trouva des mots de repentir, sans avoir au fond du cœur autre chose que de la crainte et de la lâcheté. D’ailleurs, elle éprouvait une sorte de plaisir physique à s’abandonner, à se sentir molle et brisée, à s’offrir à la douleur sans résistance.

Elle accabla madame Raquin de son désespoir larmoyant. La paralytique lui devint d’un usage journalier ; elle lui servait en quelque sorte de prie-Dieu, de meuble devant lequel elle pouvait sans crainte avouer ses fautes et en demander le pardon. Dès qu’elle éprouvait le besoin de pleurer, de se distraire en sanglotant, elle s’agenouillait devant l’impotente, et là, criait, étouffait, jouait à elle seule une scène de remords qui la soulageait en l’affaiblissant.

— Je suis une misérable, balbutiait-elle, je ne mérite pas de grâce. Je vous ai trompée, j’ai poussé votre fils à la mort. Jamais vous ne me pardonnerez… Et pourtant si vous lisiez en moi les remords qui me dé-