Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et que je souffre ! C’est ma faute si ce scélérat a assassiné mon mari… Il faudra que j’aille, une nuit, baiser la terre où il repose. Ce seront là mes dernières voluptés.

Laurent, ivre, rendu furieux par les tableaux atroces que Thérèse étalait devant ses yeux, se précipitait sur elle, la renversait par terre et la serrait sous son genou, le poing haut.

— C’est cela, criait-elle, frappe-moi, tue-moi… Jamais Camille n’a levé la main sur ma tête, mais toi, tu es un monstre.

Et Laurent, fouetté par ces paroles, la secouait avec rage, la battait, meurtrissait son corps de son poing fermé. À deux reprises, il faillit l’étrangler. Thérèse mollissait sous les coups ; elle goûtait une volupté âpre à être frappée ; elle s’abandonnait, elle s’offrait, elle provoquait son mari pour qu’il l’assommât davantage. C’était encore là un remède contre les souffrances de sa vie ; elle dormait mieux la nuit, quand elle avait été bien battue le soir. Madame Raquin goûtait des délices cuisantes, lorsque Laurent traînait ainsi sa nièce sur le carreau, lui labourant le corps de coups de pied.

L’existence de l’assassin était effroyable, depuis le jour où Thérèse avait eu l’infernale invention d’avoir des remords et de pleurer tout haut Camille. À partir de ce moment, le misérable vécut éternellement avec sa victime ; à chaque heure, il dut entendre sa femme louant et regrettant son premier mari. La moindre circonstance devenait un prétexte : Camille faisait ceci,