Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/296

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lait en finir. Il ouvrit toute grande la fenêtre de la salle à manger, et vint prendre le chat par la peau du cou. Madame Raquin comprit ; deux grosses larmes coulèrent sur ses joues. Le chat se mit à jurer, à se roidir, en tâchant de se retourner pour mordre la main de Laurent. Mais celui-ci tint bon ; il lui fit faire deux ou trois tours, puis l’envoya de toute la force de son bras contre la grande muraille noire d’en face. François s’y aplatit, s’y cassa les reins, et retomba sur le vitrage du passage. Pendant toute la nuit, la misérable bête se traîna le long de la gouttière, l’échine brisée, en poussant des miaulements rauques. Cette nuit-là, madame Raquin pleura François presque autant qu’elle avait pleuré Camille ; Thérèse eut une atroce crise de nerfs. Les plaintes du chat étaient sinistres, dans l’ombre, sous les fenêtres.

Bientôt Laurent eut de nouvelles inquiétudes. Il s’effraya de certains changements qu’il remarqua dans l’attitude de sa femme.

Thérèse devint sombre, taciturne. Elle ne prodigua plus à madame Raquin des effusions de repentir, des baisers reconnaissants. Elle reprenait devant la paralytique ses airs de cruauté froide, d’indifférence égoïste. On eût dit qu’elle avait essayé du remords, et que, le remords n’ayant pas réussi à la soulager, elle s’était tournée vers un autre remède. Sa tristesse venait sans doute de son impuissance à calmer sa vie. Elle regarda l’impotente avec une sorte de dédain, comme une chose inutile qui ne pouvait même plus servir à