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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/297

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sa consolation. Elle ne lui accorda que les soins nécessaires pour ne pas la laisser mourir de faim. À partir de ce moment, muette, accablée, elle se traîna dans la maison. Elle multiplia ses sorties, s’absenta jusqu’à quatre et cinq fois par semaine.

Ces changements surprirent et alarmèrent Laurent. Il crut que le remords, prenant une nouvelle forme chez Thérèse, se manifestait maintenant par cet ennui morne qu’il remarquait en elle. Cet ennui lui parut bien plus inquiétant que le désespoir bavard dont elle l’accablait auparavant. Elle ne disait plus rien, elle ne le querellait plus, elle semblait tout garder au fond de son être. Il aurait mieux aimé l’entendre épuiser sa souffrance que de la voir ainsi repliée sur elle-même. Il craignit qu’un jour l’angoisse ne l’étouffât et que, pour se soulager, elle n’allât tout conter à un prêtre ou à un juge d’instruction.

Les nombreuses sorties de Thérèse prirent alors une effrayante signification à ses yeux. Il pensa qu’elle cherchait un confident au dehors, qu’elle préparait sa trahison. À deux reprises il voulut la suivre et la perdit dans les rues. Il se mit à la guetter de nouveau. Une pensée fixe s’était emparée de lui : Thérèse allait faire des révélations, poussée à bout par la souffrance, et il lui fallait la bâillonner, arrêter les aveux dans sa gorge.