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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/304

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soin ; je puis même te dire que je compte les employer à assurer notre tranquillité.

Il eut un étrange sourire et continua :

— Voyons, réfléchis, donne-moi ton dernier mot.

— C’est tout réfléchi, répondit la jeune femme, je te l’ai dit, tu n’auras pas un sou.

Son mari se leva avec violence. Elle eut peur d’être battue ; elle se fit toute petite, décidée à ne pas céder sous les coups. Mais Laurent ne s’approcha même pas, il se contenta de lui déclarer froidement qu’il était las de la vie et qu’il allait conter l’histoire du meurtre au commissaire de police du quartier.

— Tu me pousses à bout, dit-il, tu me rends l’existence insupportable. Je préfère en finir… Nous serons jugés et condamnés tous deux. Voilà tout.

— Crois-tu me faire peur ? lui cria sa femme. Je suis tout aussi lasse que toi. C’est moi qui vais aller chez le commissaire de police, si tu n’y vas pas. Ah ! bien, je suis prête à te suivre sur l’échafaud, je n’ai pas ta lâcheté… Allons, viens avec moi chez le commissaire.

Elle s’était levée, elle se dirigeait déjà vers l’escalier.

— C’est cela, balbutia Laurent, allons-y ensemble.

Quand ils furent descendus dans la boutique, ils se regardèrent, inquiets, effrayés. Il leur sembla qu’on venait de les clouer au sol. Les quelques secondes qu’ils avaient mises à franchir l’escalier de bois leur avaient suffi pour leur montrer, dans un éclair, les