Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/314

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tour. Elle pria seulement le ciel de lui donner assez de vie pour assister au dénoûment violent qu’elle prévoyait ; son dernier désir était de repaître ses regards du spectacle des souffrances suprêmes qui briseraient Thérèse et Laurent.

Ce soir-là Grivet vint se placer à côté d’elle et causa longtemps, faisant comme d’habitude les demandes et les réponses. Mais il ne put en tirer même un regard. Lorsque onze heures et demie sonnèrent, les invités se levèrent vivement.

— On est si bien chez vous, déclara Grivet, qu’on ne songe jamais à s’en aller.

— Le fait est, appuya Michaud, que je n’ai jamais sommeil ici, moi qui me couche à neuf heures d’habitude.

Olivier crut devoir placer sa plaisanterie.

— Voyez-vous, dit-il, en montrant ses dents jaunes, ça sent les honnêtes gens dans cette pièce : c’est pourquoi l’on y est si bien.

Grivet, fâché d’avoir été devancé, se mit à déclamer, en faisant un geste emphatique :

— Cette pièce est le Temple de la Paix.

Pendant ce temps, Suzanne nouait les brides de son chapeau et disait à Thérèse :

— Je viendrai demain matin à neuf heures.

— Non, se hâta de répondre la jeune femme, ne venez que l’après-midi… Je sortirai sans doute pendant la matinée.

Elle parlait d’une voix étrange, troublée. Elle ac-