Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/85

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— Vois-tu, continua-t-elle, tous les moyens connus sont mauvais.

— Tu ne m’as pas compris, dit-il paisiblement. Je ne suis pas un sot, je veux t’aimer en paix… Je pensais qu’il arrive des accidents tous les jours, que le pied peut glisser, qu’une tuile peut tomber… Tu comprends ? Dans ce dernier cas, le vent seul est coupable.

Il parlait d’une voix étrange. Il eut un sourire et ajouta d’un ton caressant :

— Va, sois tranquille, nous nous aimerons bien, nous vivrons heureux… Puisque tu ne peux venir, j’arrangerai tout cela… Si nous restons plusieurs mois sans nous voir, ne m’oublie pas, songe que je travaille à nos félicités.

Il saisit dans ses bras Thérèse, qui ouvrait la porte pour partir.

— Tu es à moi, n’est-ce pas ? continua-t-il. Tu jures de te livrer entière, à toute heure, quand je voudrai.

— Oui, cria la jeune femme, je t’appartiens, fais de moi ce qu’il te plaira.

Ils restèrent un moment farouches et muets. Puis Thérèse s’arracha avec brusquerie, et, sans tourner la tête, elle sortit de la mansarde et descendit l’escalier. Laurent écouta le bruit de ses pas qui s’éloignaient.

Quand il n’entendit plus rien, il rentra dans son taudis, il se coucha. Les draps étaient tièdes. Il étouffait au fond de ce trou étroit que Thérèse laissait plein des ardeurs de sa passion. Il lui semblait que son souffle respirait encore un peu de la jeune femme ; elle avait