Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/93

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que j’étais à Vernon, — vous vous souvenez peut-être de cela, madame Raquin, — on assassina un roulier sur la grand’ route. Le cadavre fut trouvé coupé en morceaux, au fond d’un fossé. Jamais on n’a pu mettre la main sur le coupable… Il vit peut-être encore aujourd’hui, il est peut-être notre voisin, et peut-être M. Grivet va-t-il le rencontrer en rentrant chez lui.

Grivet devint pâle comme un linge. Il n’osait tourner la tête ; il croyait que l’assassin du roulier était derrière lui. D’ailleurs, il était enchanté d’avoir peur.

— Ah bien ! non, balbutia-t-il, sans trop savoir ce qu’il disait, ah bien ! non, je ne veux pas croire cela… Moi aussi, je sais une histoire : Il y avait une fois une servante qui fut mise en prison, pour avoir volé à ses maîtres un couvert d’argent. Deux mois après, comme on abattait un arbre, on trouva le couvert dans un nid de pie. C’était une pie qui était la voleuse. On relâcha la servante… Vous voyez bien que les coupables sont toujours punis.

Grivet était triomphant. Olivier ricanait.

— Alors, dit-il, on a mis la pie en prison.

— Ce n’est pas cela que M. Grivet a voulu dire, reprit Camille, fâché de voir tourner son chef en ridicule… Mère, donne-nous le jeu de dominos.

Pendant que madame Raquin allait chercher la boîte, le jeune homme continua, en s’adressant à Michaud :

— Alors, la police est impuissante, vous l’avouez ? il y a des meurtriers qui se promènent au soleil ?