Page:Zola - Travail.djvu/136

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Et Luc, qui devinait tout, ne sentit plus sa torture que dans le frémissement de sa pauvre main fiévreuse, lorsqu’il la lui serra, pour prendre congé.

M. Jérôme avait suivi la scène, de ce regard d’eau de source, où l’on se demandait avec angoisse s’il y avait encore une pensée, une intelligence qui comprenait et qui jugeait. Puis, il assista au départ de tous les convives, comme à un défilé de toutes les puissances humaines, de toutes les autorités sociales, les maîtres que le peuple avait en exemple. Châtelard, en calèche, partit avec Gourier et Léonore, laquelle offrit une place à l’abbé Marle, de sorte qu’elle et l’abbé s’assirent côte à côte sur la banquette de devant, tandis que le sous-préfet et le maire, amicalement, leur firent face. Le capitaine Jollivet, qui conduisait lui-même un tilbury de louage, emmena le président Gaume et Lucile, sa fiancée, dont le père, inquiet, surveillait les grâces de tourterelle pâmée. Enfin, les Mazelle, qu’un immense landau avait amenés, y remontèrent, ainsi que dans un lit moelleux, où, couchés à demi, ils achèveraient de bercer leur digestion. Et M. Jérôme, que tous se contentèrent de saluer, selon la règle de la maison, les suivit de ses regards, comme un enfant suit les ombres qui passent, sans qu’un sentiment quelconque parût sur son froid visage.

Il ne restait que les Delaveau, et le directeur de l’Abîme voulut absolument prendre Luc avec lui, dans la victoria de Boisgelin, pour lui éviter le retour à pied. Rien ne serait plus simple que de le laisser à sa porte, puisqu’on passerait devant la Crêcherie. Comme il n’y avait qu’un strapontin, Fernande mettrait Nise sur ses genoux, et la bonne monterait à côté du cocher. Et Delaveau insistait avec beaucoup d’obligeance.

« Voyons, monsieur Froment, ce sera un véritable plaisir pour moi. »

Luc dut finir par accepter. Boisgelin, maladroit, reparla