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certains récits légendaires de ses parents ; puis, au-dessus de la Crêcherie, à mi-côte, il installa le haut fourneau, le premier qu’on eût bâti dans la contrée. Dès lors il ne fut plus qu’un industriel, sans jamais réaliser de très brillantes affaires, toujours en lutte, manquant de l’argent indispensable, et n’ayant à la reconnaissance du pays que le titre d’y avoir amené, par la présence de son haut fourneau, les ouvriers du fer fondateurs des riches usines actuelles, entre autres Blaise Qurignon, l’étireur qui avait fondé l’Abîme, en 1823.

Aurélien Jordan n’eut un fils, Séverin, qu’à l’âge de trente-cinq ans passés, et ce fut seulement à sa mort, en 1852, lorsque ce fils le remplaça, que le haut fourneau de la Crêcherie prit une importance considérable. Séverin avait épouse une demoiselle Françoise Michon, la fille d’un médecin de Magnolles, chez laquelle se révéla une femme d’une bonté exquise, d’une intelligence supérieure. Elle devint l’activité, la sagesse, la richesse de la maison. Son mari, guidé par elle, aimé, soutenu, perça de nouvelles galeries de mine, décupla l’extraction du minerai, reconstruisit presque le haut fourneau, pour le doter de tous les perfectionnements connus. Aussi, dans la grosse fortune qu’ils gagnèrent, n’eurent-ils bientôt plus que la tristesse d’être sans enfants. Ils étaient mariés depuis dix années, et Séverin avait quarante ans déjà, lorsqu’un fils, Martial, leur naquit enfin ; et, dix années plus tard, ils eurent encore une fille, Sœurette. Cette fécondité tardive combla leur bonheur, la mère surtout fut une mère admirable, qui enfanta une seconde fois son fils, en le disputant victorieusement à la mort, en le faisant l’intelligence de son intelligence et la bonté de sa bonté. Le docteur Michon, le grand-père, un rêveur humanitaire d’une charité divine, un fouriériste et un saint-simonien de la première heure, s’était retiré à la Crêcherie, où sa fille lui avait fait bâtir un pavillon, celui que Luc justement