Page:Zola - Travail.djvu/160

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escalier, taillé dans la pierre, qui montait au palier rocheux sur lequel le haut fourneau était construit, à mi-côte de la rampe géante des monts Bleuses. C’était, parmi des pins et des plantes grimpantes, un véritable labyrinthe, d’un charme infini. En levant la tête, à chaque coude du sentier, on apercevait la masse noire du haut fourneau, se détachant de plus en plus nette dans la nuit bleue, avec les étranges profils des organes mécaniques, groupés autour du foyer central.

Jordan montait le premier, à légers pas menus, et, comme il débouchait enfin sur le palier, il s’arrêta devant un amas de roches, où luisait l’étoile d’une petite lumière.

« Attendez, dit-il, je vais m’assurer que Morfain n’est pas chez lui.

— Où donc, chez lui ? demanda Luc, étonné.

— Mais là, dans ces anciennes grottes, qu’il a transformées en une sorte de logement, et où il s’entête avec son garçon et sa fille, malgré les offres que je lui ai faites d’une petite maison plus habitable. »

Dans la gorge de Brias, toute une population pauvre occupait des trous pareils. Morfain, lui, restait là par goût, y étant né quarante années auparavant, se trouvant à côté de son travail presque au flanc de ce haut fourneau qui était sa vie, sa geôle et son empire. D’ailleurs, dans son installation préhistorique, en homme des cavernes civilisé, il avait fini par introduire quelque confort, une muraille solide qui bouchait les deux grottes, une porte pleine et des fenêtres à petites vitres qui fermaient les ouvertures. Et, à l’intérieur, il y avait trois pièces, la chambre du père et du garçon, la chambre de la fille, la salle commune, à la fois salle a manger, cuisine, atelier, toutes les trois très propres avec leurs murs et leur voûte de pierre, garnies de meubles solides, taillés à coups de hache.