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Page:Zola - Travail.djvu/191

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dont il était le grand ami, qu’il épousait les vérités, le jour seulement où elles étaient scientifiquement démontrées. D’ailleurs, très modeste, timide même, sans ambition aucune, il se contentait de soigner ses malades le mieux possible, il n’avait d’autre passion que la culture de ses rosiers, entre les quatre murs du petit jardin, où il vivait à l’écart, dans une paix heureuse.

Jusque-là, Luc s’était contenté d’écouter. Puis, sa lecture de la nuit lui revint, il parla.

« La faute, dans nos écoles, est de partir de cette idée que l’homme est mauvais, qu’il apporte en naissant la révolte et la paresse, et qu’il faut tout un système de châtiments et de récompenses, si l’on veut tirer quelque chose de lui. Aussi a-t-on fait de l’instruction une torture, l’étude est devenue aussi rude à nos cerveaux que les travaux manuels à nos membres. Nos professeurs ont été changés en gardes-chiourme du bagne universitaire, dont la mission est de pétrir les intelligences des enfants selon les programmes, en les coulant toutes dans le même moule, sans tenir aucun compte des individualités diverses. Ils ne sont plus que des tueurs d’initiatives, ils écrasent l’esprit critique, le libre examen l’éveil personnel des talents, sous l’amas des idées toutes faites des vérités officielles. Et le pis est que le caractère se trouve atteint aussi profondément que l’intelligence, et qu’un tel enseignement n’arrive guère à produire que des impuissants et des hypocrites. »

Hermeline dut se croire personnellement visé. Il interrompit d’un ton aigre.

« Mais comment voulez-vous donc qu’on procède, monsieur ? Venez me remplacer dans ma chaire, et vous verrez bien ce que vous obtiendrez des élèves, si vous ne les pliez pas sous une même discipline, en maître qui incarne pour eux l’autorité.

— Le maître, continua Luc de son air de rêve, n’a