Page:Zola - Travail.djvu/235

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devant la considérable famille de travailleurs à instruire, à guider, à aimer, dont Luc lui faisait le cadeau. Aussi, dès les premiers jours, avait-elle choisi sa tache, ne refusant pas de s’intéresser à l’organisation des classes et des ateliers d’apprentissage, mais s’occupant surtout de la crèche, y passant ses matinées dans l’amour des tout-petits. Et lorsqu’on lui disait de se marier, elle répondait un peu gênée et confuse, avec son joli rire de fille sans beauté  : «  Est-ce que je n’ai pas les enfants des autres  ?   » Elle avait fini par trouver une aide dans Josine, qui, elle aussi, bien qu’elle eût épousé Ragu, restait sans enfant. Chaque matin, elle l’employait à la crèche, auprès des berceaux, toutes deux devenues amies, malgré leurs cœurs si différents rapprochées par les soins qu’elles donnaient à ces petits êtres délicieux.

Mais, ce matin-là, lorsque Luc entra dans la salle blanche et fraîche, il y rencontra Sœurette seule.

«  Josine n’est pas venue, expliqua-t-elle. Elle m’a fait dire qu’elle était indisposée, oh  ! un simple petit malaise, paraît-il.  »

Il fut pris d’un soupçon vague, et de nouveau une ombre assombrit ses yeux. Simplement, il dit ce qu’il ferait.

«  Je dois passer chez elle, je verrai si elle n’a besoin de rien.  » Puis, ce fut un charme que la visite aux berceaux. Dans la vaste pièce blanche, ils étaient tout blancs, rangés le long des murs blancs. De petites faces roses y sommeillaient, y souriaient. Autour d’eux, allaient et venaient des femmes de bonne volonté, aux grands tabliers éblouissants, les yeux attendris, les mains maternelles, qui veillaient avec de douces paroles sur cette toute petite enfance, ces germes si frêles encore d’humanité, dans lesquels pourtant se levait l’avenir. Mais il y avait là des enfants déjà grandis, des commencements de petits