Page:Zola - Travail.djvu/258

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Depuis quatre ans que la Crêcherie était fondée, une sourde haine montait de Beauclair contre Luc. D’abord, il n’y avait eu qu’un étonnement hostile, des plaisanteries faciles et méchantes  ; mais, depuis que des intérêts se trouvaient lésés, la colère était venue, le besoin de se défendre furieusement, de se défendre par toutes les armes contre l’ennemi public.

Ce fut surtout chez les petits commerçants, chez les détaillantes, que l’inquiétude première se produisit. Les magasins coopératifs de la Crêcherie dont on s’était moqué, lors de leur ouverture, réussissaient, avaient peu à peu pour clients, non seulement les ouvriers de l’usine, mais encore tous les habitants qui faisaient acte d’adhésion. Et l’on pense si les anciens fournisseurs habituels s’émotionnaient de cette terrible concurrence, de ces tarifs nouveaux abaissant le prix des articles d’un bon tiers  ! C’était la lutte impossible, la ruine à bref délai, si ce Luc de malheur venait à vaincre, avec son idée désastreuse de vouloir que la richesse fût plus justement répartie, et que, pour commencer, les petits de ce monde pussent vivre mieux et à meilleur compte. Les bouchers, les épiciers, les boulangers, les marchands de vin, allaient donc être forcés de fermer boutique, du moment qu’on se passait très bien de leur intermédiaire, en évitant de leur laisser aux doigts un argent inutile  ? Et