Page:Zola - Travail.djvu/264

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la question de savoir si l’on ne le couvrirait pas, pour qu’il passât sous terre. Mais la dépense apparut trop forte, on n’en parla plus, le Clouque continua tranquillement à empuantir et à contaminer le voisinage. Et voilà, tout d’un coup, que le Clouque tarit complètement, se dessécha, ne fut plus qu’une dure voie rocheuse, sans une goutte d’eau. Beauclair, comme par la baguette d’un magicien, était débarrassé de ce foyer d’infection, auquel on attribuait toutes les mauvaises fièvres du pays  ; et il ne restait que la curiosité de savoir par où le torrent avait bien pu s’en aller.

D’abord, il y eut simplement une rumeur vague. Ensuite, les faits se précisèrent, il fut certain que c’était M. Luc qui avait commencé à détourner le torrent, le jour où il avait capté les sources sur les pentes des monts Bleuses, pour les besoins de la Crêcherie, toute cette belle eau claire et ruisselante qui en était la santé, la prospérité. Mais, surtout, il avait achevé de prendre tout entier le torrent, quand il s’était avisé de donner le trop-plein de ses réservoirs aux paysans des Combettes, faisant ainsi leur fortune, déterminant leur association heureuse, grâce à cette eau dont le bienfait les avait réunis, en coulant pour tous. Bientôt les preuves abondèrent, cette eau disparue du Clouque, elle ruisselait dans le Grand-Jean, décuplée, utilisée par l’intelligence devenue de la richesse, au lieu d’être de l’ordure et de la mort. Et les rancunes, les colères reprirent, grandirent contre ce Luc disposant avec ce sans-gêne de ce qui n’était pas à lui. Pourquoi donc avait-il volé le torrent  ? Pourquoi le gardait-il, le donnait-il à ses créatures  ? On ne prenait pas de la sorte l’eau d’une ville un ruisseau qui avait toujours coulé là, qu’on était habitué à voir qu’on utilisait à toutes sortes de services. Le maigre filet d’eau sale, charriant d’immondes détritus, exhalant la peste, tuant le monde, était oublié. On ne parlait plus de l’enfouir,