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chacun disait quel grand bénéfice il en tirait, et pour l’arrosage, et pour le blanchissage, et pour les besoins quotidiens de l’existence. Un tel vol ne pouvait se tolérer, il fallait que la Crêcherie rendît le Clouque l’égout infect, dont la ville était empoisonnée.

Laboque fut naturellement celui qui cria le plus fort. Il fit une visite officielle à Gourier, le maire, pour savoir quelle décision il entendait proposer au conseil municipal, dans des circonstances si graves. Lui, Laboque, se prétendait particulièrement lésé, parce que le Clouque passait derrière sa maison, au bout de son petit jardin, et qu’il affirmait en tirer des avantages considérables. Sans doute, s’il s’était mis à récolter des signatures de protestation, il aurait réuni celles de tous les habitants de son quartier. Mais son idée était que la ville devait prendre elle-même l’affaire en main, intenter un procès à la Crêcherie, en restitution de torrent et en dommages-intérêts. Gourier l’écouta, se contenta d’approuver par des signes de tête, malgré la haine inquiète qu’il nourrissait personnellement contre Luc. Puis, il demanda quelques jours de réflexion voulant examiner le cas et consulter les gens autour de lui. Il sentait bien que Laboque poussait la ville à marcher, pour ne pas marcher en personne. Le sous-préfet Châtelard, avec lequel il s’enferma pendant deux heures, dut alors le convaincre, dans sa terreur des complications, de la sagesse qu’il y avait à toujours laisser les autres faire les procès  ; car il ne rappela le quincaillier que pour lui expliquer longuement qu’un procès fait par la ville traînerait, n’aboutirait à rien de sérieux, tandis qu’un procès fait un particulier serait autrement désastreux pour la Crêcherie, surtout si, après la condamnation, d’autres particuliers le recommençaient, indéfiniment.

Quelque jours plus tard, Laboque lança l’assignation, demandant vingt-cinq mille francs de dommages-intérêts. Et,