Page:Zola - Travail.djvu/298

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rencontrée si douloureuse, si abandonnée, victime du travail maudit, imposé comme un esclavage. Elle était la plus humble, la plus basse, si près du ruisseau, et elle était la plus belle la plus douce, la plus sainte. Tant que la femme souffrirait, le monde ne serait pas sauvé.

«  Oh  ! Josine, Josine, que vous me faites de peine et que je vous plains  !   » murmura-t-il d’une voix d’infinie tendresse, tandis que lui aussi pleurait, gagné par ses larmes.

Mais, à le voir ainsi pleurer, elle souffrit davantage. Lui, pleurer si amèrement, avoir un si gros chagrin  ! lui qui était son dieu, qu’elle adorait comme une puissance supérieure, pour le secours qu’il lui avait apporté, la joie dont il avait désormais empli sa vie. La pensée des outrages qu’il venait de subir, de ce calvaire atroce de la rue de Brias, redoublait son adoration, la rapprochait de lui dans un désir de panser les blessures reçues, de se donner tout entière, si ce don pouvait l’apaiser un instant. Comment faire pour qu’il se torturât moins  ? Que trouver pour effacer l’insulte de son visage et pour qu’il se sentît respecté, admiré, adorée  ? Elle se penchait les mains ouvertes, la face exaltée d’amour.

«  Oh  ! monsieur Luc, j’ai tant de tristesse à vous voir malheureux, j’aurais tant de bonheur à tâcher d’adoucir un peu vos tourments  !   »

Ils étaient si près l’un de l’autre, que la tiédeur de leur haleine passait sur leur face. Et leur apitoiement mutuel les embrasait d’une tendresse qui ne savait de quelle façon agir. Comme elle souffrait  ! comme il souffrait  ! et il ne songeait qu’à elle, de même qu’elle ne songeait qu’à lui, avec une pitié immense, un immense besoin de charité et de félicité.

«  Moi, je ne suis pas à plaindre, il n’y a que vous, Josine, dont la souffrance est un crime, et que je veux sauver.