deux dans la boutique : un grand garçon de douze ans, Auguste, l’air réfléchi, qui était en train d’apprendre une leçon ; et une fillette de cinq ans à peine, Eulalie très sagement assise sur une petite chaise, l’air grave et doux comme si elle eût jugé les gens qui passaient. Dès la porte, elle s’était intéressée à Arsène Lenfant, le trouvant à son goût sans doute, l’accueillant de son air de petite personne bienveillante. Et la rencontre fut au complet, lorsqu’une femme entra, en amenant un cinquième enfant, la femme du puddleur Bourron, Babette, toute ronde et toute fraîche, dans sa gaieté que rien n’entamait, et qui avait à la main sa fillette Marthe, une bambine de quatre ans, aussi grasse, aussi réjouie qu’elle. Tout de suite, d’ailleurs, celle-ci lui lâcha la main, courut à Auguste Laboque. Qu’elle devait connaître.
Babette coupa court au marchandage du paysan et du quincaillier, qui tombèrent d’accord, en partageant les vingt sous. Elle rapportait une casserole, achetée la veille.
« Elle fuit, monsieur Laboque. Je m’en suis aperçue en la mettant sur le feu. Je ne puis pourtant pas garder une casserole qui fuit. »
Et, pendant que Laboque l’examinait, maugréant, puis se décidait à faire l’échange, Mme Laboque parla de ses enfants. De vrais pots, qui ne bougeaient pas de la journée, l’une sur sa chaise, l’autre le nez dans ses livres. Bien sûr qu’on aurait raison de leur gagner de l’argent, car ils ne ressemblaient guère à leurs père et mère, ils ne partaient pas pour en gagner beaucoup. Sans entendre, Auguste Laboque souriait à Marthe Bourron, Eulalie Laboque tendait sa petite main à Arsène Lenfant, tandis que l’autre Lenfant, Olympe, achevait d’un air songeur le gâteau que le petit Mitaine lui avait donné. Et cela était très gentil, très doux, une bonne et fraîche odeur d’espoir en demain, dans le souffle cuisant de haine et de lutte qui embrasait la rue.