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Page:Zola - Travail.djvu/33

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« Si vous croyez qu’on gagne, avec des histoires pareilles, reprit Laboque, en remettant une autre casserole à Babette. Il n’y a plus de bons ouvriers, tous sabotent la besogne… Et ce qu’il y a de coulage, dans une maison comme la nôtre ! Entre qui veut, on est comme à la foire d’empoigne, avec ces étalages sur la rue… Cet après-midi, on nous a encore volés. »

Lenfant, qui payait lentement sa bêche, s’étonna :

« Alors, c’est vrai, ces vols dont on parle ?

— Comment, si c’est vrai ! Ce n’est pas nous qui volons, ce sont les autres qui nous volent… Ils sont restés deux mois en grève, et n’ayant pas de quoi acheter, ils volent ce qu’ils peuvent… Là, tenez, dans cette case, il y a deux heures, on m’a volé des couteaux et des tranchets. Ce n’est guère rassurant. »

Et il eut un geste de soudaine inquiétude, une pâleur, un frisson, en montrant la rue menaçante, emplie de la sombre foule, comme s’il avait craint une brusque ruée, un envahissement qui l’aurait dépossédé, en balayant le marchand et le propriétaire.

« Des couteaux et des tranchets, répéta Babette avec son continuel rire, ça ne se mange pas, qu’est-ce que vous voulez qu’on en fiche ?… C’est comme Caffiaux, en face, qui se plaint qu’on lui a volé une boîte de sardines. Quelque gamin qui aura voulu y goûter ! »

Elle était toujours contente, toujours certaine que les choses finiraient bien. Ce Caffiaux, en voilà un que les ménagères auraient dû maudire ! Elle venait d’y voir entrer Bourron, son homme, avec Ragu, et c’était pour sûr une pièce de cent sous qu’il allait casser là. Mais, quoi ! il était naturel qu’un homme s’amusât un peu, après avoir tant peiné. Et elle reprit la main de sa fillette Marthe, elle s’en alla, heureuse de sa belle casserole neuve.

« Voyez-vous, continua d’expliquer Laboque au paysan, il faudrait de la troupe. Moi, je suis pour qu’on donne