Page:Zola - Travail.djvu/399

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si maigre récolte  ? Et voyez, voyez  ! avec un seul domaine avec la culture en commun, avec l’aide des machines et de la science, les moissons débordent, tout le pays est peu à peu conquis. Ah  ! c’est un riche spectacle  !   »

L’ardent amour qu’il avait gardé à la terre, qu’il tenait secret en jaloux désireux de l’aimer pour lui, éclatait dans la flamme de ses yeux, dans l’enthousiasme de sa voix. Et Luc était gagné par le grand souffle de fécondité dont le frisson passait sur cette mer de blé. S’il se sentait si fort, à la Crêcherie, c’était maintenant qu’il avait son grenier d’abondance, certain du pain, ayant élargi son petit peuple d’ouvriers d’un petit peuple de paysans. Et sa joie n’était pas plus grande à voir sa Cité en marche, le flot des maisons s’avancer toujours, conquérir l’Abîme et le vieux Beauclair, qu’à venir regarder les champs fertiles des Combettes en marche eux aussi, s’allongeant des champs voisins, roulant peu à peu leurs moissons en un océan sans bornes, d’un bout à l’autre de la Roumagne. C’était le même effort, la même civilisation prochaine, l’humanité qui allait à la vérité et à la justice, à la paix et au bonheur.

L’effet le plus immédiat du succès de la Crêcherie fut de faire comprendre aux petites usines du pays l’avantage qu’elles auraient à suivre son exemple, à s’associer avec elle. La maison Chodorge, une fabrique de clous qui achetait toute sa matière première à sa puissante sœur, se décida d’abord, en se laissant définitivement absorber, dans l’intérêt commun. Puis, la maison Hausser, qui avait la spécialité des serpes et des faux, après avoir surtout forgé des sabres, entra à son tour dans l’association, devint comme un prolongement naturel de la grande forge voisine. Il y eut quelques difficultés pour la maison Mirande et Cie qui construisait des machines agricoles, et dont l’un des deux propriétaires, homme de réaction,