Page:Zola - Travail.djvu/400

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luttait contre toutes nouveautés, mais la crise devint telle, qu’il se retira, dans la crainte d’une catastrophe certaine, et que l’autre propriétaire sauva son usine, en se hâtant de la fondre dans la Crêcherie. Toutes ces maisons entraînées ainsi dans le mouvement d’association et de solidarité, se mettaient en actions, acceptaient les mêmes statuts, le partage des bénéfices, basé sur l’alliance du capital, du travail et de l’intelligence. Elles finissaient par constituer une seule et même famille, aux cent groupes divers toujours prête à recevoir de nouveaux adhérents, pouvant de la sorte s’étendre à l’infini  ; et c’était là surtout la société refondue, se reconstituant sur une organisation nouvelle du travail, allant à une humanité libre et heureuse.

Dans Beauclair étonné, déconcerté, l’inquiétude fut au comble. Alors, quoi  ? la Crêcherie grandirait sans cesse, s’augmenterait de chaque petite usine qu’elle rencontrerait au passage, celle-ci, puis celle-là, puis cette autre  ? et la ville elle-même, et la plaine immense aux alentours y passeraient, ne seraient plus que les dépendances, le domaine, la chair même de la Crêcherie  ? Les cœurs étaient troubles, les cerveaux commençaient à se demander où était le vrai intérêt de chacun, la fortune possible. Dans le petit monde des commerçants, des fournisseurs surtout, la perplexité augmentait, devant les recettes qui baissaient chaque jour, et il s’agissait de savoir si l’on ne serait pas forcé bientôt de fermer boutique. Aussi l’affolement devint-il général, lorsqu’on apprit que Caffiaux, l’épicier-cabaretier, venait de s’entendre avec la Crêcherie pour que sa maison devînt un simple dépôt, une sorte de succursale des magasins généraux. Longtemps il avait passé pour être l’homme de l’Abîme, vaguement mouchard de la direction, empoisonnant l’ouvrier d’alcool, le vendant ensuite à ses chefs, car le cabaret est le plus ferme pilier du salariat. En tout cas, l’homme était