Page:Zola - Travail.djvu/431

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Il ne criait plus, il répéta seulement, sans violence  :

«  Je te dis que tu vas mourir  !   »

Et, comme, pour passer, elle lui entrait les ongles dans la chair, il dut la saisir, il la ramena une fois encore au milieu de la pièce, changée en brasier. Ce fut alors une atroce lutte. Elle se débattait avec une force décuplée par la peur de la mort, elle cherchait les portes, les fenêtres, d’un élan instinctif d’animal blessé  ; tandis que lui la maintenait parmi les flammes, où il voulait mourir, où il voulait qu’elle mourût avec lui, pour tout anéantir à la fois de leur abominable existence. Il n’avait pas trop de ses deux bras solides, les murs se fendaient, et à dix reprises il l’écarta des issues. Enfin, il l’emprisonna, il l’écrasa dans une dernière étreinte, lui qui l’avait adorée, qui l’avait si souvent prise et possédée ainsi. Ensemble ils tombèrent parmi les braises du plancher, les tentures achevaient de se consumer comme des torches, les boiseries laissaient pleuvoir des tisons ardents. Et, bien qu’elle l’eût mordu, il ne la lâchait pas, il la gardait, l’emportait au néant, incendiés l’un et l’autre, brûlant du même feu vengeur. Et ce fut fini, le plafond s’effondra sur eux, en un écroulement de poutres flambantes.

À la Crêcherie cette nuit-là, Nanet, qui faisait son apprentissage d’ouvrier électricien sortait de la chambre des machines lorsqu’il aperçut, du côté de l’Abîme, une grande lueur rouge. Il crut d’abord à quelque flamboiement des fours à cémenter. Mais la lueur augmentait  ; et, tout d’un coup, il comprit  : c’était la maison du directeur qui brûlait. En une secousse brusque, la pensée de Nise le frappa, il se mit follement à courir, se heurta au mur mitoyen que tous deux, autrefois, franchissaient si gaillardement pour se retrouver, le franchit de nouveau sans savoir comment, en s’aidant des pieds et des mains.