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bois, si délabrés et calcinés. On disait que l’autre servante des Delaveau, ayant pu s’échapper par la cuisine, avait la première donné l’alarme aux équipes de nuit, qui étaient accourues de l’Abîme. Mais les ouvriers n’avaient pas de pompe, et il avait fallu attendre que ceux de la Crêcherie, conduits par Luc lui-même, vinssent fraternellement au secours de l’usine rivale, avec la pompe et le service de pompiers, une des créations de la maison commune. Les pompiers de Beauclair, dont l’organisation était très défectueuse, n’arrivèrent qu’ensuite. Et il était trop tard, l’Abîme flambait, d’un bout à l’autre de ses constructions sordides, sur plusieurs hectares, en un brasier immense, d’où n’émergeaient plus que les hautes cheminées et la tour à tremper les canons. Lorsque le petit jour se leva, après cette nuit de désastre, des groupes nombreux stationnaient encore devant les foyers mal éteints, sous le ciel livide et glacé de novembre. Les autorités de Beauclair, le sous-préfet Châtelard, le maire Gourier, n’avaient pas quitté le lieu du sinistre  ; et le président Gaume était avec eux, ainsi que son gendre, le capitaine Jollivet. L’abbé Marle, prévenu trop tard, n’arriva qu’au jour, suivi bientôt d’un flot de curieux, des bourgeois, des boutiquiers, les Mazelle, les Laboque, les Dacheux, les Caffiaux. Un vent de terreur passait, tous causaient à voix basse, la grande angoisse était de savoir de quelle façon une pareille catastrophe avait pu se produire. Il ne restait qu’un seul témoin, la servante qui avait pu fuir  ; et elle contait comment Madame était rentrée de la Guerdache un peu avant minuit  : tout de suite, il y avait eu un gros bruit de querelle, puis les flammes avaient paru. On écoutait, on répétait l’histoire à demi-voix, les intimes devinaient l’épouvantable drame. À coup sûr, comme le disait la servante, Monsieur et Madame étaient morts dans la fournaise. Et l’horreur qui soufflait s’accrut