Page:Zola - Travail.djvu/436

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son dévouement, les commerçants et les petits bourgeois entouraient les ouvriers de la Crêcherie, achevaient de se mettre ouvertement avec eux. Lange avait raison, il est des heures tragiques où les sociétés caduques frappées de folie, se jettent au bûcher. Et, sur le ciel gris, de cette usine de l’Abîme, si noire, si douloureuse, où le salariat avait râlé aux heures dernières du travail déshonoré et maudit, il ne restait que quelques murs croulants, soutenant des carcasses de toitures au-dessus desquelles les hautes cheminées et la tour à tremper les canons se dressaient seules, inutiles et lamentables.

Vers onze heures, ce matin-là, comme le soleil s’était décidé à paraître, limpide, M. Jérôme passa, dans sa petite voiture que poussait un domestique. Il faisait sa promenade habituelle, il venait de suivre le chemin des Combettes, en longeant l’usine et la ville grandissante de la Crêcherie, si vives, si joyeuses, par ce temps sec et ensoleillé. Et, maintenant, il voyait se dérouler le champ de défaite, l’Abîme saccagé, détruit, sous la violence justicière des flammes. Longuement, il regarda de ses yeux vides et clairs, d’une transparence d’eau de source. Il n’eut pas un mot, pas un geste, il regarda simplement, et il passa, et rien ne disait s’il avait vu et compris.