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qu’un souffle auguste semblait emplir déjà. Personne n’ouvrit la bouche, on n’entendait dans l’air frissonnant que le souffle un peu fort de M. Jérôme. De nouveau, ses yeux élargis, pleins de lumière étaient retournés à la fenêtre, vers cet horizon de l’effort humain en travail, où le passé était révolu, où demain allait naître. Et les minutes s’écoulaient, lentes, régulières, dans cette attente anxieuse de ce qui devait venir, l’acte de grandeur souveraine dont on sentait l’approche.

Il y eut un bruit léger de pas, Paul entra, la figure saine et rose, fouettée de grand air.

«  Mon enfant, dit Suzanne, c’est ton grand-père qui nous a réunis et qui désire ne parler que devant toi.  »

Sur les lèvres, si longtemps rigides de M. Jérôme, un sourire parut, d’une infinie tendresse. Il appela Paul du geste, le fit asseoir le plus près possible, sur le bord du lit. C’était surtout pour lui qu’il voulait parler, pour ce dernier des Qurignon, de qui la race pouvait refleurir et porter encore des fruits excellents. Comme il le vit très ému, le cœur souffrant du dernier adieu, il s’attarda un instant à le rassurer de ses yeux d’aïeul attendri, pour qui la mort était douce, puisqu’il allait léguer à son arrière-petit-fils l’héritage de sa longue existence, un acte de bonté, de justice et de paix.

Puis, enfin, il parla, dans le silence religieux de tous. Il avait tourné la tête vers Boisgelin, il répéta d’abord les seuls mots que le domestique, depuis plusieurs jours, l’entendait bégayer à demi-voix, au milieu d’autres confuses paroles.

«  Il faut rendre, il faut rendre…  »

Et, voyant qu’on hésitait à comprendre ce qu’il voulait dire, il revint à Paul, il redit avec plus de force  :

«  Il faut rendre, mon enfant, il faut rendre…  »

Suzanne, saisie du grand frisson qui passait, avait