Page:Zola - Travail.djvu/491

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«  Ah  ! mon ami, vous me donnez aussi mon bouquet, et c’est bien vrai, je l’ai un peu mérité, car vous devez vous en souvenir, voici plus de dix ans que je m’acharne à trouver la solution du problème. À quels obstacles je me suis heurté, et que de déroutes, quand je croyais le succès certain  ! N’importe, sur les ruines de mes expériences manquées, je me remettais le lendemain à la besogne. On réussit toujours, lorsqu’on travaille.  »

Luc riait avec lui, plein de son courage et de sa foi.

«  Je le sais bien, vous en êtes le vivant exemple. Je ne connais pas de plus grand, de plus haut maître d’énergie que vous, et je me suis fait à votre école… Alors, voilà donc la nuit vaincue, vous avez mis en fuite les ténèbres, nous pourrions désormais, avec ce flot d’électricité peu coûteuse, allumer au-dessus de la Crêcherie, dès le crépuscule, un astre, pour remplacer le soleil. Et vous avez également épargné l’effort humain, un homme suffit à présent, où il en fallait deux, grâce à cette prodigalité de la force mécanique, qui supprimera peu à peu la douleur… Nous vous fêtons comme le maître de la lumière, de la chaleur et de la force.  »

Jordan, que Sœurette avait enveloppé dans une couverture, par crainte de la fraîcheur du soir, regardait toujours l’usine immense étinceler comme un palais de féerie. Petit et chétif, avec son teint blême, son air d’être à chaque heure sur le point de rendre l’âme, il se promenait dans ces halles braisillantes, d’une splendeur d’apothéose. Et depuis dix années qu’il sortait à peine de son laboratoire, qu’il y vivait absorbé dans sa tâche, ignorant presque les événements du dehors, s’en remettant à sa sœur et à son ami pour la direction du vaste domaine, agrandi sans cesse, il arrivait là un peu en homme d’une autre planète, il s’émerveillait des résultat obtenus, du