Page:Zola - Travail.djvu/534

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Il s’écoula dix années encore, et l’amour qui avait uni les couples, l’amour vainqueur et fécond fit naître et grandir dans chaque ménage une floraison d’enfants, dont la poussée nouvelle apportait l’avenir. À chaque génération neuve, un peu plus de vérité, de justice et de paix s’épandrait et régnerait par le monde.

Luc, âgé de soixante-cinq ans déjà, se prenait, à mesure qu’il vieillissait, d’une affection, d’une passion croissante pour les enfants. Maintenant que le bâtisseur de ville, le créateur de peuple, était en lui, voyait se construire la Cité rêvée, il se préoccupait surtout des générations en germe, il allait aux petits enfants, leur donnait toutes ses heures, dans la pensée qu’ils étaient l’avenir. C’étaient eux, c’étaient les enfants de leurs enfants, et c’étaient plus encore les enfants de ceux-ci qui devaient un jour être un peuple intelligent et sage, où s’accomplirait tout ce qu’il avait voulu d’équité et de bonté. On ne peut refaire les hommes mûrs, quand ils ont vécu dans des croyances et des habitudes, où l’atavisme les enchaîne. Mais on agit sur les enfants, en les libérant des idées fausses, en les aidant à croître et à progresser, selon l’évolution naturelle qu’ils apportent avec eux. Et, il le sentait bien, chaque génération doit être ainsi un pas en avant, chacune d’elles crée davantage de certitude, réalise plus de paix et de bonheur.