Page:Zola - Travail.djvu/535

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Aussi disait-il d’habitude, avec un bon rire, que les enfants étaient les conquérants les plus forts et les plus victorieux de son petit peuple en marche.

Dans les grandes visites matinales que, deux fois par semaine Luc continuait de faire à son œuvre, il consacrait donc le meilleur de son cœur et de son temps aux écoles, même aux crèches, où l’on gardait les tout-petits. Il commençait généralement par eux avant d’aller aux ateliers et aux magasins, il se donnait la joie de toute cette enfance rieuse et saine, dès le clair lever du soleil. Comme il changeait, chaque semaine, les jours de sa tournée de surveillance et d’encouragement, on ne l’attendait pas, il tombait dans la bonne surprise qu’il faisait à ce petit monde turbulent où tous l’adoraient comme un grand-père très gai et très bon.

Or, ce mardi-là, Luc, ayant résolu de rendre visite à ses chers enfants, ainsi qu’il les nommait tous, se dirigea vers les écoles dès huit heures, par une délicieuse matinée de printemps. Le soleil tombait en pluie d’or parmi les jeunes verdures, et il suivait à petits pas une des avenues, lorsqu’il s’arrêta, en entendant une voix chère qui l’appelait, comme il passait devant la maison habitée par les Boisgelin.

Suzanne, l’ayant vu passer, s’était avancée jusqu’à la porte du jardin.

«  Oh  ! je vous en prie, mon ami, entrez un instant… Ce pauvre homme est repris d’un accès, et il m’inquiète beaucoup.  »

Elle parlait de Boisgelin, son mari. Pendant quelque temps, il avait essayé du travail, mal à l’aise de son oisiveté, au milieu de cette ruche active, bourdonnante du labeur de tous. La paresse finissait par lui être trop lourde, la chasse et le cheval ne suffisaient plus à emplir ses journées. Aussi Luc, sur la prière de Suzanne pour aider à la transformation espérée, lui avait-il confié une sorte