Page:Zola - Travail.djvu/550

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chœur appuyait. Mais l’allégresse était si vive, le sentiment si plein d’une naïve foi en l’astre de bonté et de lumière, que ces voix grêles, un peu aigres, prenaient un charme attendrissant. Le petit garçon, Maurice Morfain, qui donnait la réplique à la fillette, Germaine Yvonnot, avait en effet, comme le disait Suzanne, une voix d’ange, d’une légèreté cristalline, filant à l’aigu des sons délicieux de flûte. Puis, c’était le gazouillis du chœur, un ramage d’oiseaux lâchés et caquetant parmi les branches. Rien n’était plus amusant que de les entendre.

Luc riait, en bon grand-père ravi, et Maurice, tout glorieux, vint se jeter de nouveau entre ses bras.

«  Mais c’est vrai, mon petit homme, tu chantes comme un rossignol des bois  ! Voilà qui est joliment bon, parce que, dans la vie, vois-tu, tu chanteras, aux heures de souci, et ça te donnera du courage. Il ne faut jamais pleurer, il faut chanter toujours.

— Eh  ! c’est ce que je leur dis, s’écria Suzanne, avec sa tendre bravoure. Il faut que tout le monde chante, je leur apprends à chanter pour qu’ils chantent ici, à l’école, et plus tard dans les ateliers, et plus tard dans l’existence entière. Un peuple qui chante est un peuple de santé et de joie.  »

Elle s’égayait, elle ne mettait aucune rudesse ni aucune vanité dans son enseignement, donnant ainsi ses leçons parmi les verdures du jardin, simplement satisfaite d’ouvrir ces petites âmes à la belle humeur du chant fraternel, à la beauté claire de l’harmonie. Comme elle le disait, la Cité heureuse, au jour de la justice et de la paix, chanterait tout entière sous le soleil.

«  Allons, mes petits amis, encore une fois, et bien en mesure ne vous pressez pas, nous avons le temps.  »

De nouveau, le chant s’éleva. Mais, vers la fin du morceau, un trouble se produisit. Derrière les marronniers, dans un massif d’arbustes, un homme avait paru, l’air furtif,