Aller au contenu

Page:Zola - Travail.djvu/555

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

réglé la journée avec Josine, Sœurette et Suzanne. Allez, mes bonnes amies, et que votre cœur fasse le reste.  »

Toutes trois l’entouraient, comme l’émanation même de l’affectueuse solidarité, de l’universel amour qu’il rêvait d’épandre parmi les hommes. Elles s’étaient pris les mains, elles lui souriaient, si âgées déjà, avec leurs cheveux blancs, très douces, très belles encore d’une beauté extraordinaire d’infinie bonté. Et quand il les quitta pour se rendre à l’usine, elles le suivirent longtemps de leurs yeux tendres.

À l’usine, les halles, les ateliers s’étaient élargis encore, dans la gaieté saine du plein soleil et du grand air qui les inondaient. De toutes parts, les eaux fraîches, ruisselantes, lavaient les dalles de ciment, emportaient les moindres poussières, de sorte que la maison du travail, autrefois si noire, si boueuse, si empuantie, reluisait partout maintenant d’une admirable propreté. Sous les immenses vitrages clairs, on aurait cru entrer dans une ville de bon ordre, de joie et de richesse. Les machines, désormais, faisaient presque toute la besogne. Actionnées par l’électricité, elles étaient là, superbes, en rangs pressés, telles qu’une armée d’ouvrières dociles, infatigables, sans cesse prêtes à donner leur effort. Si leurs bras de métal finissaient par s’user, on les remplaçait simplement, et elles ignoraient la douleur, elles avaient en partie supprimé la douleur humaine. C’était la machine enfin amie, non plus la machine des débuts, concurrente qui aggravait la faim de l’ouvrier en faisant baisser les salaires, mais la machine libératrice, devenue l’universel outil, peinant pour l’homme, pendant qu’il se reposait. Il n’y avait plus, autour de ces solides travailleuses, que des conducteurs, des surveillants, dont l’unique besogne consistait à manœuvrer des leviers de mise en marche, à s’assurer du bon fonctionnement des mécanismes. La journée ne dépassait pas quatre heures, et jamais un