Page:Zola - Travail.djvu/556

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ouvrier ne faisait une tâche pendant plus de deux heures, relayé par un camarade, passant lui-même à un labeur autre, art industriel, culture ou fonction publique. Comme l’emploi général de la force électrique supprimait à peu près l’ancien vacarme dont retentissaient les halles, elles s’égayaient du seul chant des travailleurs, cette allégresse chantante qu’ils apportaient des écoles, comme une floraison d’harmonie embellissant leur vie entière. Et ces hommes qui chantaient, autour de ces machines si douces et si fortes en leur silence, dans l’éclat de leurs aciers et de leurs cuivres, disaient la joie du juste travail, glorieux et sauveur.

Luc, en passant dans la halle des fours à puddler, s’arrêta un instant, pour échanger un mot amical avec un fort garçon d’une vingtaine d’années, qui suffisait à la conduite d’un des fours.

«  Eh bien  ! Adolphe, ça marche, vous êtes content  ?

— Certes oui, monsieur Luc. J’achève ma tâche de deux heures, et voici la boule bonne à être retirée du four.  »

Adolphe était le fils d’Auguste Laboque et de Marthe Bourron. Mais comme autrefois son grand-père maternel, le puddleur Bourron, aujourd’hui à la retraite, il n’avait plus à faire la terrible besogne du brassage, la boule de métal en fusion brassée longuement à l’aide du ringard, dans le flamboiement du feu. Le brassage s’opérait mécaniquement, et même un ingénieux système sortait la boule étincelante, la chargeait sur le chariot roulant, qui l’amenait ensuite sous le marteau-cingleur, sans nécessiter l’intervention de l’ouvrier.

Gaiement, Adolphe reprit  :

«  Vous allez voir, la qualité est supérieure, et c’est si simple, ce bon travail  !   »

Il avait abaissé un levier, il y eut un déclenchement, une porte s’ouvrit, laissa glisser jusqu’au chariot la