Page:Zola - Travail.djvu/565

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ouvrant sur le parc, il trouva Sœurette, avec l’instituteur Hermeline et l’abbé Marle  ; tandis que Jordan allongé sur un canapé, enveloppé d’un grand châle, songeait selon sa coutume, en regardant le soleil se coucher à l’horizon. L’aimable docteur Novarre venait d’être emporté en quelques heures, au milieu des roses de son jardin, avec l’unique regret de ne pas vivre assez longtemps pour assister à la réalisation de tant de belles choses, auxquelles il n’avait guère cru d’abord. Et Sœurette ne recevait donc plus que l’instituteur et le curé, de loin en loin, lorsqu’ils cédaient à la très vieille habitude de se rencontrer chez elle. Hermeline, âgé de soixante-dix ans, maintenant retraité, achevait sa vie, dans une amertume affreuse, dans une colère sans cesse accrue contre tout ce qui se passait sous ses yeux. Et il en était arrivé à trouver tiède l’abbé Marle, son aîné de cinq ans, qui s’enfermait en une douloureuse dignité, en un silence de plus en plus hautain, à mesure qu’il voyait son église se vider et son Dieu mourir.

Justement, comme Luc s’asseyait près de Sœurette, muette, douce et patiente, l’instituteur reprenait ses vieilles accusations de républicain sectaire, autoritaire, en bousculant le prêtre.

«  Voyons, voyons  ! l’abbé, puisque je dis comme vous, aidez-moi… C’est la fin du monde, ces enfants chez lesquels on cultive les passions, les plantes mauvaises que nous avions la mission, nous les éducateurs, d’arracher autrefois. Comment veut-on que l’État ait des citoyens disciplinés, élevés pour le servir, lorsqu’on lâche chez eux la bride à l’individualité anarchique  ? … Si nous, les hommes de méthode et de raison, nous ne sauvons pas la République, elle est perdue.  »

Depuis le jour où il parlait ainsi de sauver la République, contre ceux qu’il appelait les socialistes, les anarchistes, il était passé à la réaction, il avait rejoint le prêtre dans