Page:Zola - Travail.djvu/596

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


«  Tu ne vas pas achever de m’estropier, avec cette mécanique-là  ?

— Non, non, n’aie pas peur. L’électricité me connaît, voici des années que nous faisons bon ménage ensemble.  »

Et il disait cela d’un ton dévot et attendri, comme s’il eût parlé d’une divinité nouvelle, d’une puissance bienfaisante dont la Cité tirait le meilleur de sa prospérité et de sa joie.

«  Tu la retrouveras partout, la grande et souveraine énergie, sans laquelle tant de rapides progrès n’auraient pu s’accomplir. Elle est désormais l’unique force qui alimente nos machines  ; et elle ne reste pas seulement dans nos ateliers communs, elle se rend à domicile, elle y actionne les petits métiers particuliers, elle est l’ouvrière domestiquée dont chacun dispose, pour les plus infimes besognes, en tournant simplement un bouton. On tourne un autre bouton, et elle nous éclaire. On tourne un autre bouton, et elle nous chauffe. Partout, aux champs, à la ville, dans les rues comme au fond des plus modestes demeures, elle est présente, elle travaille silencieusement à notre place, elle est la nature domptée, la foudre asservie, dont notre bonheur est fait. Et il a fallu la fabriquer par quantités incalculables, l’avoir comme nous avons l’air du ciel, pour rien, pour le plaisir de le respirer, sans craindre jamais le gaspillage, quelle que soit la dépense folle que nous pouvons en faire. Mais, paraît-il, il n’y en a pas encore assez, l’ancien maître de la Crêcherie dit qu’il cherche toujours à nous en donner davantage, afin de nous permettre, la nuit, d’allumer un astre au-dessus de Beauclair, pour remplacer le soleil et faire régner chez nous le resplendissement d’un jour éternel.  »

Il riait de bon cœur, à cet espoir de mettre à jamais les ténèbres en fuite, pendant que la voiturette filait par les larges avenues, de son train si rapide et si doux. Son