Page:Zola - Travail.djvu/598

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profond, il dégagerait le soleil, tel qu’un lustre pendu au plafond de l’immense salle. Et, cette fois déjà, pour cette fête du travail, au premier jour de l’été, le lustre flambait d’un éclat éblouissant, le long des routes dont la blancheur gaie serpentait parmi les nappes ondulantes des grands blés verts, à l’infini.

«  Tu vois, mon brave, reprit Bonnaire, avec un grand geste, d’un bout à l’autre de l’horizon, nous avons du pain. C’est le pain pour tous, le pain auquel chacun a droit en naissant.

— Vous nourrissez donc même ceux qui ne travaillent pas  ? demanda Ragu.

— Certainement… Mais il n’y a guère que les malades et les infirmes qui ne travaillent pas. Quand on se porte bien, on s’ennuie trop à ne rien faire.  »

Maintenant, la voiturette traversait des vergers, et c’était délicieux, ces allées interminables de cerisiers couverts de fruits rouges. On aurait dit des arbres enchantés dont les grappes jouaient et riaient au soleil. Les abricots n’étaient pas mûrs, les pommiers et les poiriers pliaient sous l’abondance de leur charge, verte encore. C’était une extraordinaire prodigalité, de quoi donner du dessert à tout un peuple, jusqu’au printemps prochain.

«  Du pain pour tous, c’est maigre, reprit Ragu ironiquement.

— Oh  ! dit Bonnaire, qui se mit aussi à plaisanter, on ajoute un peu de dessert. Tu vois, ce ne sont pas les fruits qui manquent.  »

Ils étaient arrivés aux Combettes. Le village sordide avait disparu, des maisons blanches s’étaient bâties parmi les verdures, le long du Grand-Jean, le ruisseau infect autrefois, canalisé aujourd’hui, roulant une eau pure, une des causes de la fertilité environnante. Ce n’était plus l’ancienne campagne d’abandon, de saleté et de misère, où