Page:Zola - Travail.djvu/599

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les paysans croupissaient depuis des siècles, dans l’entêtement borné de la routine et de la haine. L’esprit de vérité, de liberté, avait passé là, une évolution s’était faite vers la science et l’harmonie, éclairant les intelligences, réconciliant les cœurs, apportant la santé, la richesse, la joie. Depuis que tous avaient consenti à s’associer, le bonheur de chacun était né. Et jamais expérience plus concluante n’avait chanté gaiement sous le soleil, la leçon de choses resplendissait aux Combettes, avec ces maisons éparses, d’où sortait une bonne odeur de familles heureuses, des rires et des chansons.

«  Tu te rappelles les anciennes Combettes  ? demanda de nouveau Bonnaire, les masures dans la boue et le fumier, les paysans aux yeux farouches qui se plaignaient de crever de faim  ? Regarde ce que l’association en a fait.  » Mais dans sa jalousie sauvage, Ragu ne voulait pas se laisser convaincre, espérant quand même découvrir quelque part le malheur, cette malédiction du travail restée dans son sang de paresseux, de salarié rivé à sa chaîne, par son long atavisme d’esclave.

«  S’ils travaillent, ils ne sont pas heureux, répéta-t-il obstinément. Leur bonheur est mensonger, le souverain bien est de ne rien faire.  »

Et, lui qui tapait sur les curés autrefois  :

«  Le catéchisme ne dit-il pas que le travail est la punition, la dégradation de l’homme  ? Quand on va dans le paradis, on ne fait plus rien.  »

Au retour, il passèrent devant la Guerdache, un des jardins publics de la Cité nouvelle, toujours empli de jeunes mères et d’un vol d’enfants joueurs. La vaste habitation, qu’on avait encore agrandie, continuait à servir de maison de repos aux accouchées récentes, qui attendaient là leur rétablissement complet, parmi les grands arbres et les fleurs. C’était un domaine magnifique,